Le jeune homme qui tua le temps

alex-cameron-bis

1.

La fenêtre de mon bureau s’ouvre sur un bâtiment similaire au mien. Une façade fatiguée, trouée de vitres sans vie. Une fine bande de ciel chapeaute l’édifice. Il y a tellement peu à observer que le soleil ne vient jamais dans le coin. Le tableau est terne, c’est sûr.

Je m’embête. En attendant que le temps passe, mes yeux s’épuisent sur les ternes nuances grises-bleues qui colorent la vue. Ce tableau, je le connais par cœur. Je pourrais le reproduire dans ses moindres détails, dans ses atours de printemps ou d’hiver, en pleine tempête ou sous la neige. Triste distraction que d’attendre le passage d’un avion solitaire se faisant la malle vers un lointain ailleurs.

Pourtant ce matin, je suis arrivé au boulot plein d’entrain. La matinée avait commencée sous les meilleures augures. En sortant de chez moi, j’avais surpris une mésange raconter à un chat que voler n’était pas si compliqué, qu’elle lui apprendrait et qu’ils iraient voir les pyramides ensemble. J’étais plein d’entrai en montant dans l’ascenseur. « Bonjour! Quelle belle journée! » me suis-je même exclamé avec enthousiasme en direction de mes collègues qui s’y empaquetaient. La rafale de tristes hochements de tête muets que mes compagnons d’infortune m’opposèrent m’abattit en plein vol. Trois étages plus tard, le moral dans les chaussettes, j’ai laissé derrière moi ma gaieté déplacée et me suis dirigé vers mon bureau. Je me suis installé, seul, songeur, devant mon écran et ai pris connaissance de l’ordre du jour. Ce fut rapide, il n’y en avait qu’un. J’ai écrit l’article réclamé – 5 bonnes raisons de visiter Cuba en janvier  et l’ai envoyé à qui de droit. Et c’est là que l’ennui a pris le contrôle de ma journée.

Je regarde par la fenêtre la façade fatiguée et la fine bande de ciel. La mésange a-t-elle raison de s’amouracher du chat ? Ne vont-ils pas au devant de grandes complications? Soudain, une feuille brune et ocre traverse la vue en tourbillonnant. Je me redresse sur ma chaise, les yeux accrochés à la tâche colorée. Quel superbe ballet végétal! J’applaudis! La feuille se rapproche du bord du cadre, mon pouls s’accélère, elle flirte avec la limite quelques instants, s’en va, revient, je retiens un cri, elle disparait. J’attends fébrilement le rappel, mais les secondes passent et rien ne se passe. L’artiste est déjà parti vers d’autres horizons. Rideau.

Dieu ! que je m’embête ! J’aurais peut-être dû passer plus de temps sur les charmes hivernaux de la patrie de Castro. C’était probablement ma seule mission de la journée. Quinze lignes attrape-cons. Trois par charmes. Je n’ai jamais mis les pieds à Cuba. Ni en janvier, ni à aucune autre période de l’année. Par contre, j’ai lu Leonardo Padura. Et je me dis que la nourriture et les femmes doivent y être pareillement irrésistibles.

J’attends. J’ai envie de sortir le roman de mon sac. Incroyable roman! Dans ses pages, il y a un ghetto, sept meurtres, une poignée d’agents de la CIA, une multitude de gangsters et encore plus de fusils d’assaut, de suspense, de femmes et de drogue. L’intrigue se déroule en Jamaïque et met en scène des bandes armées sur fond de reggae et de guerre froide. Je m’en délecte dès que je peux. Il s’immisce dans mes rêves parfois. Une nuit, je suis une petite frappe violente semant la terreur dans les dépotoirs de Kingston. Une autre nuit, je manigance dans la peau d’un agent secret au service de l’Impérialisme occidental. La nuit dernière, je suis monté en grade, prenant le rôle du chef de gang à dreadlocks qui répand la bonne parole assaisonnée de poudre blanche. J’adore ce bouquin.

Le temps file bizarrement dans ce bureau. Lentement, très lentement. Comme si ces 20m2 étaient un lieu de repos pour lui, un temple de méditation. Il se la coule douce, paresse entre les secondes, sort de son récit linéaire pour digresser quelques instants puis reprend, tranquillement, son petit bonhomme de chemin vers l’heure suivante. Il me nargue, ce monarque intouchable. Il joue avec mes pieds.

Je me lève et sors dans le hall me servir un verre d’eau. Une fois devant la fontaine, ma vessie me rappelle que j’ai déjà répété cette action quatre ou cinq fois aujourd’hui. Tuer le temps à coup de verre d’eau, c’est aussi efficace que dicter la loi du ghetto à coup de bons mots comme le proclame page 47 le jeune rastaman qui aspire à devenir le Don des Dons juste avant vider deux chargeurs dans la panse de son mentor récemment touché par les lumières du pacifisme.

Seigneur, que le temps est long… Mon attention retourne vers la fenêtre. Peut-être que si je fixe intensément le mur d’en face, quelque chose se produira. Une explosion dévastatrice (boum!). Un raz-de-marée de pollen (Oh! que c’est beau!). Un Orang-Outan escaladant la façade afin de semer le personnel du zoo lancé à ses trousses (grimpe, le singe ! grimpe !). Une équipe de dessinateurs urbains vandalisant le bâtiment à coup de peinture multicolore (plus de couleurs ! plus de couleurs !). Ou peut-être un chat tournoyant dans les airs, enchainant les loopings, sous le regard emplit de fierté de sa monitrice la mésange (bravo ! bravo ! les larmes aux yeux).

Je m’emmerde. Je jure rarement, mais bon sang ! Ces quatre murs, cette fenêtre, ce bureau, cet écran… C’est nul. Je sifflote, je triture un bic, je tourne sur ma chaise. J’en ai marre. Je me lève, fais des flexions, saute à cloche-pied, tente une roue, la manque, colle mon nez à la fenêtre, déprime de la morne vue, retourne m’asseoir. Je peste.

Il me suffirait pourtant de tendre la main et d’attraper le bouquin dans le sac. Après quelques lignes, la pièce se transformerait. La température augmenterait, l’air s’emplirait d’une odeur de crasse et de souffre, mon palais pourrait se délecter d’un poulet frit hyper épicé et la section rythmique des Wailers pulvériserait le silence pour laisser la place à la voix de Bob Marley. I don’t wanna wait in vain! Oh! I don’t wanna wait in vain! Il me suffirait de tendre la main. J’en brule d’envie. Je peux sentir le poids du précieux objet dans mes paumes. J’entends la respiration de la page qui se tourne. Il me suffirait de tendre la main pour agresser mon odorat, ma vue, mon ouïe, mon toucher et mon goût. Exploser l’espace temps et l’ennui d’un simple geste. Mais je me retiens.

La semaine précédente, j’ai pris le risque. Je contrais un furvent au milieu de la Horde du 9ème Golgoth, le corps plié en deux, la tête entre les genoux pour offrir le moins de prises possible aux rafales, bouffant du sable par tous les orifices, lorsque la rédac’ cheffe me secoua l’épaule. Surpris, le vent hurlant encore à mes oreilles, je bafouillai :

« Je.. fais des .. recherches pour.. un article.

– Montre voir. »

Je refermai, à contrecœur, le chef d’œuvre d’Alain Damasio et le lui tendit. Elle s’attarda quelques secondes sur le dos du livre.

« Tu écris un article sur l’origine du vent ? »

Je hoche la tête.

« Je le veux sur mon bureau dans une heure. »

Il en résulta un dégueulis mystico-scientifique titré « Vous ne devinerez jamais d’où vient le vent ». Depuis, j’évite de céder à l’appel des êtres d’encre et de papier au travail. Par respect pour les mots.

J’ai toujours aimé les mots. Enfant, je jouais avec eux plus souvent qu’avec mes semblables. J’ai vite compris que les mots, bien agencés, donnaient accès à un univers sans limites. Je pouvais reconstruire le monde à ma guise, en construire d’autres plus attirants, faire parler des mésanges et vivre mille existences. Et sans prendre le risque de m’écraser contre le mur de la réalité ! Mais les mots sont otages de ceux qui les utilisent et, parfois, ils ne peuvent que constater les dégâts. Ils regardent leurs voisins, jettent un œil à la virgule perdue qui les séparent et secouent la tête en silence. C’est l’impression que j’ai, souvent, en écrivant mes torchons.

Je n’ouvre pas mon livre. A la place, j’ouvre le tiroir supérieur du bureau. Quatre stylos roulent sous l’effet du mouvement et s’écrasent contre la paroi. Le tas de feuilles vierges reste fièrement immobile. Bics et papier me font les yeux doux. Je referme le tiroir. J’ouvre celui d’en-dessous, sachant très bien ce qui s’y trouve. Ah tiens, non. La pomme qui y pourrissait depuis quelques semaines a disparu. Je l’avais cachée là pour avoir une preuve tangible que le temps s’écoulait vraiment entre ces murs. Une équipe de nettoyage doit l’avoir dénichée. Seule une tache noirâtre subsiste, preuve que mon expérience avait abouti à une réponse positive. Et que le service de nettoyage est paresseux. Le dernier tiroir est vide, mais je l’ouvre quandmême. Une forme argentée glisse et percute la paroi dans un bruit mat.

Temps d’arrêt.

Ce mouvement est une anomalie. Il n’a rien à faire là. Il n’est pas censé exister. Ce tiroir est supposé être vide ! Je reste figé quelques secondes. Peut-être plus. Des yeux, je parcours l’objet, en suis les formes. Mon cerveau traite les données et reconstitue l’identité de l’intrus. Je le prends en main. Il est lourd. Je le manipule délicatement, l’observe sous toutes les coutures. Je gratte, frotte, renifle, lèche, secoue. Le doute n’est pas permis. J’ai un pistolet bien réel en main.

2.

Le policier était de garde. Il avait pris son service vers 19h et avait vu le commissariat se vider de tous ses occupants. Privilège d’une belle et longue carrière, il avait gagné le droit de travailler en même temps que la lune. Il aimait bien le calme. Il écoutait tranquillement sa musique sur la petite chaine stéréo – les Nocturnes de Chopin – tout en lisant ses vieux livres – le 7ème et dernier tome de La recherche de Proust en ce moment. Ses jeunes collègues l’appellent le Sage. Avec plus d’intonations de respect que de moqueries. Il répondait aux appels et envoyait une patrouille quand cela s’avérait nécessaire. Ses hommes sur le terrain faisaient de temps à autres grésiller la radio. Mais c’était un quartier paisible, sans histoires, et il passait des nuits somme toute tranquilles.

Ce soir-là pourtant, quelque chose d’étrange flottait dans l’air. Il se sentait pris d’une langueur inhabituelle. Le policier buttait sur la prose de Marcel et Chopin semblait jouer sur un tempo inhabituel et instable. Il devait être très concentré sur la musique car il n’entendit pas le jeune homme passer la porte du commissariat. Il l’aperçut planté devant son bureau, immobile, attendant qu’on le remarque. Il était grand, dans les vingt-cinq ans, le regard plein et les habits élégants, quoique quelque peu surannés.

« Bonsoir. »

Sa voix était douce.

« Bonsoir. »

Le policier attendit. Le jeune homme n’avait pas l’air de vouloir en dire plus. Il se contentait de le regarder.

« Que puis-je pour toi mon garçon?

-Je… »

Il semblait chercher ses mots. Et ne pas les trouver. Il eut alors un lent mouvement du bras droit. Le policier recula légèrement et porta la main à son arme. Le jeune homme lui tendait un sac plastique blanc dans lequel semblait se trouver un objet anguleux assez lourd.

« Qu’est-ce donc mon garçon? »

Le jeune homme eut un mouvement de tête et garda le bras tendu, le sac pendant au bout. En temps normal, le policier se serait senti menacé. Il aurait élevé la voix, eu des gestes brusques. Mais ce soir n’était pas normal. Le policier tendit lentement le bras, attrapa le sac et l’amena vers lui. Il jeta un rapide coup d’oeil à l’intérieur.

« C’est un 9mm je pense, dit le jeune homme.

-Ca me semble effectivement être le cas. »

Temps mort.

Le garçon était silencieux, immobile. Cette scène devenait de plus en plus mystérieuse.

« Est-ce ton pistolet mon garçon?

-Oui. Enfin, non. Je l’ai trouvé.

-Tu l’as trouvé. Où l’as tu trouvé?

-Dans le troisième tiroir de mon bureau qui était supposé être vide. »

Chopin entamait sa nocturne en sol mineur. Le policier se sentait légèrement engourdi. Et ce tempo qui continuait à faire des siennes. Mais qu’avait donc Frédéric Chopin ce soir? Il secoua la tête pour recentrer ses pensées.

« Il sent la poudre, dit-il .

-Oui. »

Le garçon hésita.

« Mais ce n’était pas le cas quand je l’ai trouvé. »

Les paroles du jeune homme semblaient parfois précéder le mouvement de ses lèvres. Le policier se sentait un peu nerveux. Cet intrigant personnage lui faisait l’effet d’un casse-tête enfantin qu’il savait pertinemment ne jamais pouvoir résoudre.

« Et quand l’as-tu trouvé?

-A un moment de la journée. Je ne saurais pas dire exactement quand. »

Le policier en avait vu des vertes et des pas mures dans sa carrière. Il pourrait remplir un asile digne de celui du nid de coucou avec tous les énergumènes qu’il avait rencontré. Mais celui-ci était différent. Les notes de piano s’égrenaient maintenant avec une lenteur effarante.

« Que fais-tu dans la vie, mon garçon?

-Rien. Pas grand chose. Je gribouille des articles, j’attends qu’Il passe.

– Que qui passe?

– Le Temps »

Un instant, tout se figea, comme si le temps, heureux qu’on l’évoque, s’était arrêté pour profiter du moment. Un la dièse resta suspendu en l’air, les deux hommes ne bougèrent pas d’un cil. Puis un sol prit la relève du la dièse et le policier une profonde respiration.

« Tu es journaliste?

– Vaguement.

– Et tu as trouvé ce pistolet, c’est un Beretta d’ailleurs, dans le troisième tiroir de ton bureau qui était supposé être vide?

– C’est cela.

– Ensuite, tu es venu me l’apporter dans ce sac en plastique.

– Oui.

-Sauf qu’entre temps (nouvelle note suspendue), tu l’as utilisé.

-Voilà. »

Quelle scène absurde, se dit le policier. C’est peut-être une blague de ses collègues. Ou une rêverie de laquelle il devrait bientôt sortir. Tout cela semblait bien inoffensif malgré la présence de l’arme. Le policier sourit. Le jeune homme aussi.

« As-tu quelque chose d’autre à me dire?

– J’essayais juste de le tuer. »

Et Chopin qui essayait toujours de retomber sur le bon tempo.

« Tu essayais juste de le tuer?

-Oui.

-Qui donc, mon garçon?

-Le Temps. »

Le doigt du pianiste ripa et deux, puis trois notes se superposèrent.

« Tu essayais de tuer le temps?

-Oui, voilà.

-Et y es-tu parvenu?

-Je ne pense pas. Mais je crains de l’avoir blessé. »

Si ce n’est pas lui le fou, alors ce doit être moi, se dit le policier. Chopin avait-il recommencé la 6ème nocturne? Il était désorienté. Il se demanda si désorienté s’appliquait aussi à une perte des repères temporels, ou si c’était un privilège de la géographie. Mal à l’aise, il tira sur son uniforme. Son geste lui sembla brusque.

« Il se comporte bizarrement depuis que j’ai tiré.

-Qui ça mon garçon?

-Ben… le Temps »

Bien sur qu’il parle du temps, se dit le policier. Essaye de suivre, rassemble tes idées. Il a trouvé un pistolet dans le troisième tiroir de son bureau qui était supposé être vide et a essayé de tuer le temps. Sauf qu’il ne l’a que blessé.

« Pourquoi voulais-tu tuer le temps? »

Le jeune homme sembla surpris pour la première fois depuis son entrée dans le commissariat quelques minutes (ou était-ce quelques heures?) plutôt.

« Je… j’en avais assez.

– De quoi?

– Qu’il joue avec mes pieds. D’attendre qu’il daigne bien passer, sans rien faire. »

Il marqua une pause puis reprit.

« J’aurais aimé lire plutôt que lui tirer dessus. Mais je n’ai pas le droit. J’aurais aimé écrire aussi, mais j’avais peur de trahir les mots. Alors quand j’ai vu le pistolet, je me suis dit que cette anomalie me permettrait peut-être de tuer le temps. Comme la feuille morte.

– Tuer, c’est radical mon garçon. As-tu pensé aux conséquences?

– Pas vraiment. Je pensais que ce n’était qu’une expression. Comme on dit gagner du temps ou prendre son temps. »

Chopin aperçut le bon tempo au bout de la portée et accéléra pour le rattraper.

« Mais depuis que j’ai tiré, le temps semble perturbé. Alors je suis venu me dénoncer. Je crains que ce soit grave. »

Le bon tempo s’était joué du pianiste et ce dernier devait désormais ralentir pour espérer enfin l’attraper.

« Vers quoi as-tu pointé ton arme mon garçon? »

On louait beaucoup la patience du policier.

« Je… Je crois que j’ai visé l’espace entre deux secondes.

– L’espace entre deux secondes?

-Oui, voilà.

– Et tu as touché quelque chose?

-La balle a disparu.

-Disparu?

-Oui.

-Dans l’espace entre deux secondes?

-C’est ma théorie.

-Et depuis, le temps se comporte bizarrement?

-Oui. Je pense qu’il souffre. »

Le policier avait du mal à suivre. Pouvait-on vraiment tirer une balle de Beretta dans le temps? Cela semblait peu probable. Mais il sentait bien que quelque chose n’allait pas comme il fallait ce soir. Et cela expliquerait peut-être le soudain manque de talent de son cher Frédéric.

«Je me demande… tenta le garçon.

-Oui?

-Si je parviens à remonter le temps, je pourrai peut-être m’empêcher de le tuer!

-C’est saugrenu. Tout amateur de SF sait qu’il ne faut pas jouer avec ça.

-Oui, vous avez raison. »

Nouveau temps mort.

Cette conversation commençait à agacer sérieusement le policier. Elle devait durer depuis longtemps car les Nocturnes avaient cédé leur place au silence. De toute façon, s’il n’y avait pas de corps, il n’y avait pas de crime. Et il est peu probable qu’on retrouve le corps du temps percé d’une balle quelque part. Mais cette arme était bien réelle et avait bel et bien été utilisée. Il ne pouvait pas laisser repartir cet étrange garçon comme cela. Il lui proposa donc de passer la nuit en cellule. Le jeune homme accepta.

« Puis-je prendre mon livre avec moi ? demanda-t-il. »

Le policier accepta. Il installa le garçon, l’abandonna à son ghetto, ferma la porte, inséra la Fantaisie Impromptue dans le lecteur cd et retourna s’installer à son bureau. Il se dit que cette histoire attendrait bien demain pour se résoudre.

« Il n’y a pas mort d’homme après tout. »

Sauf que durant la nuit, le Temps succomba à sa blessure. Le jeune homme s’immobilisa dans sa cellule, la tête pleine de Jamaïque, son regard émerveillé stoppé au milieu d’une phrase dans le chapitre trente-deux. Le policier pris la pose, se grattant comiquement le crâne en pensant à cette inattendue rencontre, avide de connaitre le fin mot de l’histoire. Chopin ayant abandonné son poste, le silence prit possession du commissariat. Dehors, la lune et les étoiles s’étaient figées dans le ciel. Dans la ville,, plus rien ni personne ne bougeait. Un ballon de basket lévitait à 2m du sol sous les yeux plein d’espoir du joueur qui l’avait lancé. Des voitures évitaient de justesse un accrochage imminent, une souris jamais repue grignotait un biscuit. De jeunes parents attendris observaient leur nouveau-né enfin endormi. Certain.e.s dormaient tandis que d’autres s’aimaient. Un ronflement infini, des plaisirs éternels. C’était comique de voir tous ces êtres vivants stoppés net dans leurs actions. Un gigantesque musée de statues ultra réalistes. Quelle quiétude! C’était un spectacle vraiment épatant!